Amélie discutait avec ses camarades dans le couloir de l’école après les cours. Celles et ceux qui voulaient aller à l’autre extrémité du couloir devaient passer au milieu de la conversation, la plupart le faisait en disant pardon, d’autres ne disaient rien et passaient vite. Je n’ai osé ni dire pardon ni passer vite, alors je me suis glissé dans la discussion. Amélie nous disait combien elle avait été hésitante dans le choix de ses études entre journalisme et graphisme, elle était critique devant les sujets que ses profs lui donnent mais aussi critique devant sa façon de répondre à ces sujets, trop sage, pas assez engagé… « Je dors trop ici ! ». L’an dernier elle était dans une école au centre de Paris à l’abri des banlieues avec des camarades filles et fils de «bobos», tous conscients de faire parti d’une élite. Les larmes lui venaient au bout des yeux lorsqu’elle évoquait ces camarades-là. Ils n’avaient jamais côtoyés ni jeunes arabes ni jeunes africains et étaient fiers d’exprimer leur exclusion inversée. Déconnectée du monde, voilà où étaient le trouble et la souffrance d’Amélie. Malheureuse dans son ancienne école parisienne, malheureuse ici dans sa nouvelle école et surtout insatisfaite de ses propres expressions et résultats.
Depuis combien de temps ne savons nous plus communiquer l’envie de faire, de dire, de crier, de résister? Nous pouvons ranger nos théories pédagogiques derrière la nécessité de fabriquer des gens qui auront un métier dans une période où tout est difficile. Face à toutes les autorités possibles que nos étudiants rencontreront, ils s’entendront dire de toutes façons qu’il faut s’estimer heureux d’avoir un travail intéressant ou pas, bien ou mal payé etc. L’inhumanité a le sourire! Les choses sont rudes, le monde dans sa dureté appellerait-il notre soumission à tout ?
J’ai eu envie de pleurer avec Amélie ! Histoire de savoir pleurer, d’apprendre à pleurer pour de vraies et bonnes raisons.
Un collègue lui conseilla le petit livre de Stéphane Hessel : Indignez-vous. Mais cela n’enlève pas « le mal à la tête, le mal à l’humanité » comme disait le poète Fernando Pessoa, « le mal aux autres » comme disait l’autre poète Jacques Brel.
Je pourrais me plonger dans l’actualité internationale, nationale ou locale, je préfère relire un document PP reçu il y a quelques temps et intitulé :
« De l’institut d’arts visuels à l’école supérieure d’art et de design d’Orléans »
Page 9
L’autonomie pédagogique
Rôle du directeur
Le directeur dirige l’établissement et à ce titre:
Il élabore et met en œuvre le projet pédagogique, artistique et culturel et rend compte au moins une fois par an de l’exécution de ce projet au CA.
– Il s’assure de l’exécution des programmes d’enseignement de l’établissement.
– Il assure le bon fonctionnement de l’établissement, le respect de l’ordre et de la discipline.
– Il prépare le budget et en assure l’exécution.
– Il assure la direction de l’ensemble des services.
– Il prononce les sanctions à l’encontre des étudiants après avis du conseil de discipline.
Dans une école supérieure, avant toutes choses, nous devons être sages !
Apprenons à mieux pleurer.