Pleines lunes
Prendre la place nécessaire à sa propre existence. N’avoir qu’une ambition obligatoire: mourir un jour, après avoir suffisamment grandi sans que personne ni prête attention. Malheureusement certains nous remarquent si peu qu’ils nous renvoient notre propre transparence; désagréable négation de notre modestie ou du besoin de n’être surtout pas un esprit corpulent. Celles et ceux qui nous reflètent cette absence sont des aspirateurs de regards, ils n’existent que par leur collection de regards absorbés, ils implosent. Ce sont des gourmands, des obèses filiformes, des trous noirs. D’autres nous donnent au contraire de l’épaisseur, juste ce qu’il faut, ils rayonnent, ils explosent et contribuent à notre bonheur d’exister, à nos insatisfactions devant l’existence et au bonheur d’être insatisfait.
Je pense à Sarah-Luna, une petite fille aux yeux si foncés, si sombres qu’on dirait deux lunes en négatif. Sous son regard sérieux plein de gravité et enveloppant, rien n’est abstrait. Tout ce qu’elle fixe de ses yeux existe avec plus d’intensité.
Je vieillis sans connaître encore le sens de ma propre vie, je ne fais que prendre ces multitudes d’instants qui me soutiennent si bien.