Regard sur le monde 10

Les souvenirs que j’emporte avec moi à chacun de mes retours d’Ulaanbaatar motivent mes futurs projets d’images lorsque j’y reviens, et je les oublie très vite devant la réalité observée.
Le ménage se fait dans ma mémoire.
Mes photographies une fois révélées ne sont là que pour mettre en lumière ce que je garde au fond de moi : une série de ponctuations disséminées sur ma longue promenade dans les villes, mais c’est aussi un jeu qui me permet de créer des formes par le biais d’enregistrements.

Arbre | Paysage à Ulaanbaatar 2010

Rentrer

Arrive la période où je peux commencer à penser la date du retour, le temps intervalle entre cette pensée et l’instant futur où l’on rentre chez soi n’existe pas. Nous sommes autre part sans y être, déjà rentrés sans y être, le voyage fini n’est pas encore achevé. Et à l’inverse de mon arrivée je regarde encore la ville, ses trottoirs défoncés, ses plates-bandes et jardins mal aménagés mais aussi tout le reste. Rien d’autre ne semble exister que ce paysage-là comme si ailleurs n’existe pas. Et pourtant je pense à ma maison, à ma ville je sais que ce paysage existe et je sais comment il est. Mon plaisir serait de ne pouvoir substituer une observation. Seul le ciel au dessus de ma ville, de ma maison et même d’ici est à envisager sans aucune rivalité.

Plate-bande n°1 | paysage à Ulaanbaatar juillet 2010

Stéphane

Et le vide | avril 2010



Je pourrais terminer ma série de photographies à l’Institut d’Arts Visuels d’Orléans* par le portrait de Stéphane. Pourtant nous ne sommes ni dans cette école supérieure de design ni à Orléans et Stéphane n’a été ni étudiant ni professeur à l’I.A.V.
Nous nous sommes croisés de nombreuses fois dans une maison amie sans jamais prendre le temps de nous parler. Avant l’instant de la photographie nous avions échangé quelques mots qui m’avaient donné envie d’en échanger encore d’autres.
Allongé dans l’herbe il devenait le vide qu’il observait et dans lequel on pouvait avoir envie de sauter! Je me suis senti complice de ce jeune directeur qui savait me parler du changement de nos écoles d’art comme d’une véritable aventure.

  • L’Institut d’Arts Visuels est devenu École Supérieure d’Art et de Design
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Caroline

Portrait n°1 | juillet 2009

Portrait n°2 | septembre 2009

Comme souvent, j’étais arrivé en retard et je m’étais dirigé vers la chaise vide la plus proche de la porte. Notre directrice parlait, elle s’interrompit brièvement pour me saluer sans me regarder. Nous étions une douzaine de professeurs autour d’une grande table improvisée avec plusieurs petites, dans une salle de classe au premier étage de notre école.
Je regardais chaque visage, tentais de m’immerger dans le discours. Il s’agissait de nous donner quelques renseignements sur l’avenir des écoles et notamment la notre mais aussi de parler de coordination, d’emploi du temps etc. Face à notre directrice Caroline écoutait, n’hésitait pas à poser une question ou donner un point de vue. Elle était vêtue d’un pull angora, clair et léger. Attentive à ce que disait notre patronne, rien ne semblait la distraire. Parfois elle consultait son iphone sur ses genoux sans s’absenter de la réunion. Je ne prêtais pas attention aux multitudes de gestes des uns et des autres.
Mon propre téléphone vibra dans ma poche. J’avais pensé à couper la sonnerie avant d’entrer dans la salle. Je le sorti de ma poche, dévérouillai le clavier pour lire le contenu du message que je venais de recevoir. Je crus d’abord à une erreur, il me fallu un bref instant pour comprendre que ce message venait de Caroline.
«- Je suis désolée de ne pas t’avoir rappelé. La semaine est passée sans que je m’en aperçoive…»
Sitôt lu j’ai relevé les yeux, Caroline me fit un sourire accompagné d’un clin d’œil. J’avais eu l’impression que ce message venait me réveiller ou que mon téléphone à travers son silence et celui des mots de Caroline était un œil secret, indiscret puisque celle qui me parlait me regardait et me souriait. J’avais eu l’impression d’une indiscipline aussi, nous étions dans une réunion sérieuse et cela me rapprochait des périodes où enfants on se jette un mot écrit sur un bout de papier froissé pendant que l’instituteur ou le prof parle.