Ou le portrait de Béatrice et Vanessa | mai 2011
Catégorie : Nouvelles images
au moment de leur publication
Regard sur le monde 12
Vendangeurs
Mangeuses d’huitres
Table
Paysage
Impossible photographie n°2 | août 2010
Entre Saindshand et Ulaanbaatar
Paysage
Impossible photographie n°1| août 2010
Entre Ulaanbaatar et Èrdènèt
Doya
La Mongolie est trois fois grande comme la France et peuplée d’un peu plus de deux millions et demi d’habitants. Une seule voie ferrée traverse le pays du Nord au Sud entre la Russie et la Chine. D’Est en Ouest ce sont des routes goudronnées autour de la capitale et des pistes au delà d’un rayon de cent kilomètres. La plupart des gens nés à la campagne et venus travaillés à Ulaanbaatar durant la période socialiste ne sont jamais retournés chez eux. Doya est retourné chez elle cet été à quelques centaines de kilomètres au Nord-Est de la Capitale. Gerelmaa sa fille accompagnait quelques touristes français dans sa région. Doya leur préparait les repas.
En 2006 je l’avais rencontré pour lui donner à voir une vidéo que j’avais emporté avec moi. J’avais filmé Gerelmaa étudiante à Paris juste avant notre départ. Ce jour-là elle était allé chez le coiffeur et s’était maquillée pour paraître sur le petit écran devant sa famille. Est-ce la télévision qui provoqua les larmes de Doya? Ce que lui disait sa fille? Ou le fait de voir un enregistrement de sa fille? Un petit film qu’elle a pu voir et revoir. J’avais été une sorte de facteur cette année-là car Doya voulu répondre à sa fille, je la filmais quelques jours plus tard sans jamais savoir ce qu’elle se sont dit.
Tuya
Quand elle accompagna son fils Mugy, à l’école, début septembre, elle resta à Ulaanbaatar quelques jours. Ce fut l’occasion pour moi de l’entendre me raconter sa mémoire de la capitale à travers une multitude d’anecdotes qui la faisait rire. Après l’expérience de la ville qu’elle fit à la fin de son adolescence, l’évidence était la steppe.
Loin des métropoles, aujourd’hui, elle vit avec son fils et son mari. Isolée sans être ermite, elle serait une sorte de réfugiée des agglomérations.
Ai-je pensé après notre entretien que je venais de rencontrer l’être le plus lumineux ?
La première fois qu’elle vit un autobus, à l’âge de seize ans, elle regarda les gens s’y engouffrer et pensa qu’il devait y avoir quelques personnalités importantes à l’intérieur pour que l’on y entre avec autant de précipitation. Elle suivit la petite foule et fut surprise de ne reconnaître personne et surprise une seconde fois de devoir payer sa place alors qu’il n’y avait rien ni personne à voir !
Autour de leur yourte deux capteurs solaires pour avoir l’électricité nécessaire à la télévision. Les images qu’offre cet écran plat ne sont pas mis en concurrence avec la réalité. La nature de la cité elle avait tenté de l’inventer pour préférer le silence de la steppe.
Boldbaatar
Portrait n°3
Il y a tout juste vingt ans que nos conversations vides de mots ont débuté. Nous avions embarqués l’un et l’autre dans la même aventure, traverser la Mongolie d’Ouest en Est sur les traces du moine franciscain Guillaume de Rubrouck. Nous faisions parti d’une équipée composée de vingt personnes. Notre but était de parcourir les mille deux cents kilomètres séparant Bulgan, à l’extrême Ouest, de Karakorum l’ancienne capitale, au centre. Vingt cavaliers plus ou moins expérimentés avec chacun une mission particulière. Nous ne connaissions rien des autres sinon qu’ils étaient géographe, médecin, géo-politicien, ethno-musicologue, spécialiste des chevaux, vidéaste, peintre…
Boldbaatar parlait sans mots et sans avoir besoin d’interprète. C’est lui qui m’apprit à me tenir sur mon cheval, à le faire avancer, à lui parler, à vivre avec lui seulement en me donnant ses regards et ses sourires généreux. Notre chemin fut long, entre trente et quatre vingt kilomètres par jour, semé de difficultés géographiques ou humaines.
Sans avoir échangé autre chose que ces discrètes expressions, nous nous sommes revus parfois en France ou en Mongolie. Les marques du temps sur nos visages s’effaçaient sous ses regards. Sans doute allons-nous passer nos vies à parler avec les autres sans jamais savoir si nous-mêmes aurions pu être de vrais amis. Lorsqu’il nous arrive de nous retrouver, parfois même par hasard malgré toutes les distances qui nous séparent, c’est toujours avec surprise, émotion, plaisir. Et lorsqu’arrive ce moment de fatigue devant l’impossible dialogue il me regarde en hochant la tête, en souriant, en me faisant un clin d’œil, en me prenant par l’épaule tout en me disant un des seuls mots qu’il ait retenu de ma langue : « Mon ami ».
Notre silence serait le vide dans lequel je ne cesse de tomber (ou d’évoluer) depuis ce premier voyage dans son pays il y a vingt ans.
Gerelmaa
Elle était arrivée en France en automne 2004 pour y apprendre le français et la cuisine. Son rêve : ouvrir un restaurant à Uaanbaatar, qu’elle appellerait : Bonjour.
Dans sa famille d’accueil près de Blois où elle allait être jeune fille au pair elle commenca par se promener autour du village. Elle parcourait la campagne comme elle l’aurait fait dans son pays, la Mongolie. Les propriétés privés n’étaient pas des territoires interdits dans l’organisation de ses vagabondages.
Des amis habitant le village me téléphonèrent peu de temps après son arrivée. « – Devine ce que nous avons trouvé dans le jardin ? ». Gerelma se promenait là où la curiosité l’emmenait. Surprise de voir les pommiers les poiriers aussi généreux, elle pensait que ces fruits si gros et si beaux étaient décoratifs et faux et ne comprenait pas pourquoi il y en avait par terre. Elle avait goûté, apprécié et abusé des noix jusqu’à prendre plusieurs kilos. Elle termina son long séjour en France par être étudiante à Paris III et rentra définitivement en Mongolie en 2008. Elle se maria et devint guide pour les nombreux touristes français et réalisa son rêve d’ouvrir un restaurant. Je la retrouvai cet été, elle m’aida à réaliser quelques portraits vidéo dont le sien.
Portrait n°1 | Ulaanbaatar 2010